Auteur

anicolas

 

Alexandre Nicolas :

Cartographe - géomaticien,

ancien officier géographe

du Ministère de la Défense.

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AUTEUR
Qu'est-ce qu'un "bidonville" ?

Musique : Claude Nougaro - Bidonville

 La première définition écrite du terme anglais « slum » apparaît, dit-on, en 1812 sous la plume de l'écrivain et hors-la-loi James Hardy Vaux, dans son Vocabulary of the Flash Language, où il est présenté comme synonyme de « racket » ou « commerce criminel ». Aussi, pendant longtemps, le « slum » a  été associé à un habitat sale et occupé par une population misérable et criminelle. En français, le mot « bidonville » a été employé pour la première fois en 1953 à propos du Maroc pour désigner littéralement des « maisons en bidons », c'est-à-dire un ensemble d'habitations construites avec des matériaux de récupération.

Photo : Le bidonville Dharavi à Bombay (env. 800 000 hab.)
Photo : Le bidonville Dharavi à Bombay (800 000 hab.)

 

Aujourd'hui, on qualifie de bidonville, un logement qui possède à peu près les caractéristiques suivantes :

  • - Surpeuplement
  • - Logements informels et de piètre qualité, majoritairement situés en périphérie des centre-villes
  • - Accès insuffisant à l'eau potable
  • - Manque d'hygiène
  • - Insécurité des personnes
  • - Insécurité quant à la conservation de la jouissance du domicile.

 

Image satellite : Le bidonville de Kibéra, Kenya (env. 200 000 hab.) - (Google Earth)
Image satellite : Le bidonville de Kibéra, Kenya (Google Earth)

 

En revanche, tous les urbains pauvres ne vivent pas dans des bidonvilles, et tous les habitants des bidonvilles ne sont pas pauvres. Bien que ces deux ensembles se recoupent pour l'essentiel, le nombre de pauvres urbains vivant en dehors des bidonvilles est bien plus important.

 

Schéma des étapes de la bidonvilisation dans les agglomérations des pays en voie de développement
 

Schéma des étapes de la bidonvilisation dans les agglomérations des pays en voie de développement

 « C’est d’abord la misère rurale qui emplit les bidonvilles. Puis l’accroissement naturel prend le relais » Noël Cannat

 

Il existe probablement plus de 200 000 bidonvilles sur la planète, comptant de quelques centaines à plus d'un million d'habitants. Selon un rapport des Nations unies de juin 2006, près d'un citadin sur trois habite déjà dans un bidonville.

 

Carte - Les plus grands "mégabidonvilles" en 2005
 Carte - Les plus grands mégabidonvilles en 2005

 

Graphique - Part de la population urbaine vivant en bidonville en 2005
Bidonvilles_2005_small

 

Comme le montre cette carte, la plupart des grands bidonvilles sont situés dans des pays en développement, mais, bien que ce soit souvent occulté, ceux-ci ont existé également dans les pays industrialisés et subsistent encore, mais de manière plus discrète.

 

Témoins de la crise du logement, les bidonvilles réapparaissent aujourd’hui en France
(Paris, Porte d’Aubervilliers, 2006)
Porte d’Aubervilliers, 2006

 

Typologie des bidonvilles

Plusieurs formes de typologie existent.

Mike Davis, dans son livre "Le pire des mondes possibles", réalise une typologie des bidonvilles autour de la question de savoir si oui ou non les nouveaux migrants ont les moyens de se loger à proximité des principaux sites de travail  (centre/périphérie) puis après si le logement est formel ou informel :
- Les logements formels : vieux immeubles, immeubles construits pour les pauvres, logements publics, hôtels meublés des marchands de sommeil, location privée ou publique de cabanes.
- Les logements informels : squats autorisés ou non, subdivisions pirates de terrains, ainsi que les personnes vivant dans la rue. Dans le cas des logements informels, les opérations de « déguerpissement » sont courantes, surtout quand de grands événements se préparent (JO, visite d’État) ou à titre de répression politique (une manière de punir les habitants d’un quartier ayant voté majoritairement pour l’opposition). Les bidonvilles sont le terrain d’un marché foncier invisible où des titres de propriété douteux s’échangent sans que l’on ait procédé à une viabilisation des lots. La perspective d’une régularisation d’un quartier alimente un marché immobilier parallèle. Les prix des loyers et des terrains flambent dans les favelas à l’annonce d’une régularisation. Loger des pauvres est une affaire qui marche. Le retour sur investissement est rapide même si les logements sont dénués de tout caractère légal. Les propriétaires des cabanes, construites bien souvent sur des terrains appartenant à l’État, sont généralement des politiciens et des hauts fonctionnaires.

 

Pour Odette et Alain Vaguet, dans leur ouvrage "Du bidonville à l'épidémie, la crise urbaine indienne à Hyderabad" les bidonvilles sont répartis en cinq grandes classes :

 

  • - Les Taudis : le statut des occupants est variable (squatters, propriétaires, locataires...). Ces secteurs sont hétérogènes (quartiers populaires et taudis voisinent avec des îlots plus aisés occupés par des familles attachées à l'environnement traditionnel de leur communauté).
  • - Les huttes itinérantes : abris sommaires réalisés avec des feuilles, de la paille ou de vieux tissus. Ce sont des îlots de 10 à parfois plus de 50 huttes, caractérisés par une absence totale d'équipements sanitaires.
  • - Les quartiers de squatters : c'est l'occupation d'un terrain sur lequel on ne peut prétendre à aucun droit (quartiers illégaux,ville légale). Ces quartiers se créent selon deux procédés : la constitution progressive de slums (des familles initiatrices en attirent d'autres) et l'invasion préméditée et organisée d'une parcelle (le plus souvent menée par des leaders qui en tireront profit).
  • - Les squatters en voie de régularisation foncière : la squatterisation peut parfois déboucher sur une régularisation de la situation foncière. La légalisation d'un slum aboutit souvent à une amélioration spontanée des logements et parfois à l'installation d'infrastructures sanitaires.Ces quartiers en voie de régularisation se situent souvent en périphérie.
  • - Les quartiers réhabilités : ce sont soit des transferts de slums en périphérie éloignée (sorte de relocalisation), soit des quartiers de relogement in situ. Mais dans les deux cas, les réussites d'intégration sont rares. Dans le premier cas, le nouveau slum est deserté du fait de l'absence d'infrastructures de transports. Dans le deuxième cas on assiste souvent à une récupération par des catégories moins démunies du lieu.

     

Le slum de Indiramma Nagar à Hyderabad, Inde
Le slum de Indiramma Nagar à Hyderabad, Inde
 
L'ONU a consacré sa première conférence sur l'habitat, il y a plus de 30 ans déjà (Habitat I, Vancouver 1976). Face à l'urgence et à la généralisation du problème de la paupérisation urbaine, la Déclaration du Millénaire vise, dans son objectif 7, à « améliorer la situation d’au moins 100 millions d’habitants de bidonvilles d’ici 2020 ». Le chemin est encore long : Kibera, l'un des plus grands bidonvilles africains, se trouve à Nairobi, le siège de l'Agence des Nations unies pour les établissements humains (UN Habitat)...

 

Affiche de l'exposition "Bidonvilles, Histoire et représentation en Seine-Saint-Denis, 1954-1974"
Affiche de l'exposition

 

Reportage sur les bidonvilles de Nanterre

 

Sources :
- Mike Davis : Le Pire des mondes possibles, De l'explosion urbaine au bidonville global. Édition La Découverte, 2006.
- Odette et Alain Vaguet : Du bidonville à l'épidémie, la crise urbaine indienne à Hyderabad. Édition Espaces tropicaux, 1993.

- Wikipedia : Article Bidonville


www.le-cartographe.net

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